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Comment introduire un petit peu de « nature » en milieu carcéral ?

Sciences participatives

 

Il y a trois mois, deux de mes collègues de Vigie-Nature, Anne Dozières et Pauline Conversy, ont rendu visite à des détenus de Fleury-Mérogis. Enthousiastes et anxieuses avant de s'y rendre, elles sont revenues soulagées et heureuses d'avoir partagé leurs connaissances sur la biodiversité avec des détenus motivés.

Une expérience rare

Si je ne les ai pas accompagnées dans cette aventure, j'ai ressenti le besoin d'en faire un post. Ce n'est pas tous les jours que la coordinatrice culturelle d'une maison d’arrêt propose à l’équipe de Vigie-Nature d’effectuer une animation dans le cadre d’un cycle de conférences lié à la Fête de la Nature.

Préparatifs

Au laboratoire, nous avons suivi la préparation des animations qu'elles comptaient réaliser. Toute l'équipe était dans une folle effervescence d'organisation et de partage pour tenter de proposer des activités adaptées aux prisonniers ayant un accès limité à la « nature » et au monde extérieur. Quizz sur les chants d'oiseaux, collection de coquilles d’escargots à déterminer et herbier de plantes sauvages poussant dans le bitume....

Sas de sécurité

Le jour J, un jour de pluie, elles ont donc laissé toutes leurs affaires liées au monde extérieur (sac, téléphone, clé USB) à l'entrée, passé les multiples sas de sécurité tout en frissonnant à la fermeture des portes et des serrures en acier et enfin marché dans les corridors gris aux sons de la vie de la prison.... pour arriver dans une « salle de classe » où une douzaine d'hommes de 18 à 45 ans purgeant des peines de moins de 24 mois se sont progressivement installés.

© Malene Thyssen | Wikimedia Commons

2 h, c'est vite écoulé

« Ils ont posé énormément de questions et pris beaucoup de notes.... » « On avait prévu trois animations, on n'en a fait qu'une et demi ». « Ils ont reconnu le chant des merles et des pinsons. » « L'un d'eux nous a dit « Ah oui, celui-là c'est tôt le matin ». Et pour le chant de la mésange charbonnière « il ressemble à une sirène ». L'un des détenus a demandé « Existe-t-il d'autres services de la nature telle que la pollinisation des plantes par les insectes ? » « On leur a donc parlé d'autres services, comme celui des algues unicellulaires des océans qui fabriquent la moitié de l'oxygène que nous respirons... ».

« Et nous, on pourrait participer à vos observatoires ? »

Aucune agressivité, écoute les uns des autres, cordialité... Anne et Pauline étaient ravies. « Et nous, on pourrait participer à vos observatoires ? » La question simple en apparence ne l'est pas forcément puisque chaque observatoire nécessite d'être connecté avec l'extérieur via internet... Difficile dans une prison, mais pas forcément rédhibitoire.

© Amy Lindemuth | healinglandscapes.org

La conservation de la nature dans les prisons

Lors de l'écriture du post, « Que se passe-t-il dans le monde autour des papillons ? » (ici), j'avais découvert que le monde carcéral et scientifique n'étaient pas si antinomiques. Aux États-Unis, la science et la conservation de la nature peuvent être des activités à part entière. Dans l'état de Washington par exemple avec le projet « sustainability in prisons » (le site est là). On y étudie le dépérissement des abeilles domestiques, on y élève des espèces de papillons et de grenouilles en danger d'extinction....  En Grande-Bretagne, certains détenus construisent des nichoirs avec des associations de protection des oiseaux, d'autres participent à la conservation de race bovine (prison de Kirkham).

En France, deux prisons font office de précurseurs : celle de Strasbourg et celle de Fleury-Merogis. La première a bâti une stratégie de médiation animale pour apaiser et participer à la reconstruction des détenus. Les volontaires veillent sur un animal (gerbille, furet, lapin...) ayant connu un épisode de violence ou d'abandon. Quant à Fleury-Merogis, certains prisonniers ont bénéficié d'équithérapie.

Des actions qui peuvent apaiser et sensibiliser une population souvent peu attachée à la nature. Anne Dozières qui a travaillé pendant 18 mois avec des personnes en insertion (lire aussi « Apprendre à regarder la nature ») m'a indiqué que beaucoup étaient heureux d'avoir pu découvrir un monde qui leur était étranger....

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Lisa Garnier, le lundi 08 septembre 2014

Pour s’abonner au blog, cliquer sur lgarnier@mnhn.fr

 

--> Un article (en anglais) sur des jardins dans les prisons ici

--> Pour partager cet article : http://bit.ly/1lLhONz

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