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Des orchidées attractives et pourtant....

Sciences participatives

A défaut d'aller me balader sur des coteaux calcaires à la recherche d'orchidées sauvages, j'ai parcouru les collections du Suivi photographique des insectes pollinisateurs (Spipoll). Par curiosité, j'ai débuté par les Ophrys, nom d'une vaste « famille » de plus de 130 espèces différentes.

Petit rappel

Pour ceux qui ne connaissent pas le Spipoll, je rappelle que cet observatoire animé par l'Opie consiste à prendre en photographie tous les insectes - et autres petites bêtes - différents et actifs sur les fleurs d'une plante choisie par le photographe pendant 20 minutes. L'ensemble des clichés forme une collection qui peut donc comporter de zéro à plusieurs dizaines d’espèces.

Y'a quelqu'un ?

Dès la première page rassemblant les collections sur les Ophrys en 2014, le ton est donné par le participant Ber. « J'ai attendu, attendu, elle n'est jamais venue ». En 20 minutes d'observation, il n'a pas vu un seul insecte se poser sur l'orchidée. La même année, Valie avait également titré sa collection « Orchidée sans visiteur » et Mclowenfr lui avait laissé un commentaire « Ça ne m'étonne pas qu'il n'y ait rien. Pareil de mon côté ».

Info plus : pour trouver les collections vous-même, vous allez dans les galeries, puis recherchez dans l'onglet « fleurs » le taxon Ophrys. Ensuite, vous cliquez sous la carte « recherchez des collections ».

Des collections vides mais tellement utiles

J'ai compté que chez les Ophrys, il n'existe que 12 collections réalisées par les spipolliens....Est-ce par manque de fleurs ou par découragement de l'absence d'insectes ? La question est revenue plusieurs fois dans les commentaires des photographes : mais où sont les insectes ? Pourquoi ne viennent-ils pas visiter les fleurs de ces orchidées ? Finalement poster des collections sans insectes permet l'émergence de questions passionnantes....

Des agents doubles

Les Ophrys sont des orchidées sexuellement perverses. Elles utilisent la sexualité des insectes à leur propre compte. En effet, toutes les fleurs d'Ophrys se font visuellement passer pour une femelle d'une certaine espèce d'insecte. Et tous les détails y sont : la forme, la couleur, la texture poilue. Même l'odeur ! Le parfum de madame est émis à la ronde... Plus de 100 fragrances similaires voire identiques aux phéromones des insectes ont pu être ainsi analysées. Ophrys © Elrandir

L'Ophrys abeille est velue comme ses pollinisateurs, les abeilles solitaires  © Romane Amice | MNHN

L'Amour

Un jeune mâle inexpérimenté a donc toutes les chances de se faire berner et d'être attiré par l'usurpatrice, qui va profiter des mouvements de l'insecte sur son labelle, pour lui coller deux pollinies soit sur la tête soit sur le « dos ». Dépité, il s'en ira se consoler sur une autre fleur sur laquelle il déposera le pollen de son « premier amour ».

Quand la passion prend fin

L'orchidée a cependant mis toutes les chances de son côté : à cette époque printanière, les mâles émergent en effet un peu avant les femelles. Elle n'a donc pas les vrais femelles « dans les pattes ». Les jeunes mâles inexpérimentés peuvent se faire la main sur son labelle ! Ensuite et après plusieurs dépits amoureux, ils apprennent à reconnaître les vrais femelles de leur espèce et se fichent pas mal des usurpatrices.....

Quatre espèces d'Ophrys avec leur pollinisateur respectif  © Romane Amice | MNHN

Quand le changement climatique brise la stratégie

Mais les études scientifiques sont sans appel. Malgré leur technologie de pointe dans le camouflage, leur taux de pollinisation annuel n'atteint pas 15 %. Il est donc relativement rare d'observer la duperie en direct live. Et quelques études préliminaires semblent montrer que cela ne va pas s'arranger. Dans cet article (ici), la britannique Karen Robbit et ses collègues montrent que l'abeille solitaire Andrena nigroaenea émerge désormais plus tôt que la floraison de l'Ophrys araignée (O. sphegodes) en raison de la hausse des températures.

Pour les spipolliens et tous les amateurs d'orchidées : capturer en image un mâle en train de se faire berner nécessite donc de trouver l'orchidée avant sa floraison et de la suivre les tous premiers jours de son déploiement. Mais attention à ne pas piétiner ces espèces à la reproduction difficile !

Collète sur Ophrys araignée, guêpes crabonidés sur Ophrys mouche, sauterelle sur Ophrys © Begonia / Bv19 / Valie | Spipoll

Sur les 11 collections faites sur des Ophrys (inclues dans les 17 135 existantes), seules 6 comportent des insectes ou araignées, et finalement un seul pollinisateur ! Ainsi, Begonia a photographié une collète sur une Ophrys araignée et Bv19 une araignée Napoléon, quelques fourmis, une larve de sauterelle et deux guêpes crabonidés en copulation sur des Ophrys bourdon et mouche. Valie a, quant à elle, immortalisé une petite, mais très jolie, larve de sauterelle !

Bravo à eux !

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Lisa Garnier, le lundi 25 mai 2015

Pour s’abonner au blog, cliquer sur lgarnier@mnhn.fr

 

 → Les Spipolliens se réunissent les 30 et 31 mai 2015 pour les 24 h de la biodiversité organisé par l'ODBU dans le Parc départemental du Sausset en Seine-Saint-Denis. Le dimanche 31 mai, venez retrouver l'équipe de Vigie-Nature pour vous initier à Sauvages de ma rue, à l'Observatoire de la biodiversité des jardins, Oiseaux des jardins, etc ! L’après-midi se terminera par des animations musicales et festives dans le parc. Toutes les infos sont ici

Potential Disruption of Pollination in a Sexually Deceptive Orchid by Climatic Change, Karen M. Robbirt, David L. Roberts, Michael J. Hutchings, Anthony J. Dav, Current Biology Volume 24, Issue 23, 1 December 2014, Pages 2845–2849

→ Le 3ème forum ouvert "changements climatiques et milieux marins" aura lieu le mardi 9 juin à Marseille au Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur. Si vous vous interrogez sur les conséquences du changement climatique sur votre environnement et sur la biodiversité et si vous souhaitez apporter votre contribution, c'est le moment de s'inscrire là

→ Du 1er au 7 juin, c'est la fête des mares en Ile-de-France ! Toutes les infos ici.

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