Un rouge-gorge à l'esprit très parental !

Alors que dans une semaine, nous bouclons BirdLab – nous atteignons plus de 5000 protocoles réalisés ! - et que les oiseaux s'affairent désormais à entamer leur saison de reproduction, nous voulions partager avec vous une vidéo réalisée par un participant passionné, Jean-Luc Tovar.

Une nichée face à sa fenêtre

Jean-Luc nourrit et installe des nichoirs dans son jardin depuis de nombreuses années. L'un d'eux se trouve dans un cerisier en face de la fenêtre de son bureau. Un emplacement idéal. « C'est comme cela que je vois si le nichoir est utilisé » m'a-t-il écrit. « Lorsque les mésanges charbonnières ont fait une couvée, je suis leurs allées et venues. Je mets une caméra sur pied depuis ma fenêtre et je guette. J'entends les petits piailler, les parents chanter et mon regard est toujours attiré vers le nichoir. » Et puis un jour... « J'ai vu un rouge-gorge s'approcher, tourner autour du nid, et j'ai suivi tous ses mouvements l’œil rivé à l'écran ! Et quelle surprise d’observer son comportement.... »

Un caractère pas commode

Pour un oiseau très territorial et qui peut se montrer violent vis-à-vis des autres rouges-gorges de même sexe, la vidéo a de quoi surprendre ! J'aurai cependant bien voulu vous montrer l'épisode BirdLab que j'ai pu observer moi-même où deux rouges-gorges s'étaient posés sur une mangeoire chacun en face à face. D'après Grégoire Loïs, directeur de Vigie-Nature, c'est très très rare. Mais qui sait, il s’agissait peut-être d’un mâle et d’une femelle ? Puisque l'un d'eux était deux fois plus gros que l'autre et que c'était au mois de mars lors d'une belle journée printanière.

Une nourrice improvisée

Mais revenons au rouge-gorge de Jean-Luc. Comment et pourquoi s'est-il retrouvé à faire la nourrice pour une nichée de mésanges charbonnières ? Il ne donne pas seulement à manger aux poussins, il nettoie aussi le nid ! En effet, on remarque sur les images qu'il ressort du nichoir avec une petite poche blanche. Cette poche est un sac fécal, la couche « ultra-absorbante » version poussin. Quand il défèque, la fiente est en effet directement entourée d'une petite membrane renfermant le tout. Embarquée par les parents à la sortie du nid, cela permet à celui-ci de rester propre.

Est-ce un cas isolé ?

Le comportement du rouge-gorge de Jean-Luc n'est pas isolé. En effet, le site ornithomedia présente le cas d'une sittelle nourrissant un jeune pic épeiche (ici) et je me suis également procurée l'article scientifique de Marilyn Muszalski Shy, datant de 1982 (!), qui a recensé tous les cas de ce type reportés dans la littérature spécialisée (là). Le rouge-gorge fait partie des espèces où le phénomène a été rapporté le plus de fois. Les autres espèces étaient le moineau domestique, la mésange bleue et la mésange charbonnière.

Jeune Pic épeiche © Aorg1961 | Wikimedia commons

Place aux spécialistes !

D'après Pierre-Yves Henry, directeur scientifique du CRBPO, c'est un comportement rare parce qu'il ne procure pas de bénéfices en termes de reproductions ultérieures à l'oiseau qui nourrit une nichée d'une autre espèce. Pierre-Yves m'a cependant conseillé d'écrire à Rita Covas, qui est chercheuse au Research Centre in Biodiversity and Genetic Resources (CIBIO) à l'Université de Porto au Portugal. Sa spécialité ? L'étude de la reproduction coopérative chez les oiseaux !

Et voici ce qu'elle m'a répondu

« Oui, il arrive que des individus d'une espèce nourrissent des jeunes d'une autre espèce. Il existe quelques cas documentés. Il existe même le cas exceptionnel d'un oiseau qui nourrissait un poisson dans un lac ! À ma connaissance, l'explication la plus acceptée, et c'est aussi mon avis personnel, c'est que chez les espèces à soins parentaux, il y a un instinct très fort pour s'occuper des petits, notamment pendant la période de reproduction. C'est très probablement dû aux taux élevés des hormones. » 

Les hypothèses de Rita 

« Ce rouge-gorge a peut-être perdu son nid récemment et a toujours le réflexe de nourrir les poussins. Ce peut aussi être un individu dont le comportement parental est beaucoup plus fort que la normale.  

 Chez les espèces à reproduction coopérative, il arrive que les individus qui perdent leur nichées commencent à nourrir les poussins des nids d'à côté. C'est bien décrit pour les mésanges à longues queues, par exemple, mais celles-ci nourrissent des oiseaux qui leurs sont apparentés. Chez les tisserins que j'étudie, on les appelle républicain social (Philetairus socius), nous avons aussi observé ce phénomène... Mais il n'y a pas eu, à ma connaissance, d’études pour vérifier cette possibilité... »

Républicain social © Matthieu Paquet

La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a pas que de la compétition dans la vie ! Allez encore une semaine pour se le prouver avec BirdLab !

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Lisa Garnier, le lundi 23 mars 2015

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