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Quand l'Observatoire agricole de la biodiversité (OAB) initie les agriculteurs à regarder autrement leurs parcelles

Sciences participatives

Paroles d'agriculteurs : « Aujourd'hui dans ma monoculture de mono-espèce, j'ai tout éradiqué, il n'y a aucune mauvaise herbe parce qu'il y a la chimie ».

« On n'a plus aucune connaissance sur les plantes et les insectes éradiqués ».

« On vit avec la nature et on sait pas vraiment ce qu'on a avec soi pour travailler ».

Ces constats, très forts, d'agriculteurs participant à l'Observatoire agricole de la biodiversité ont été recueillis lors d'une étude réalisée (publiée ici) par Suzie Deschamps, étudiante, et Elise Demeulenaere, chercheuse en anthropologie de l’environnement au Muséum national d'Histoire naturelle.

Quelles transformations ?

« L'objectif de cette étude » m'a dit Elise « était moins de savoir pourquoi les agriculteurs participent au suivi de la biodiversité au sein de leurs parcelles que d’examiner si cette implication modifie leur regard ; les transformations induites ». Parce qu'il est clair que « l'industrialisation de l'agriculture » qui « a de fait orienté les connaissances pour exercer le métier vers des savoirs peu en lien avec le monde naturaliste » a conduit à une extinction d'expérience de la nature (lire aussi Les films Disney ne sont plus ce qu'ils étaient !).

Alors qu'en est-il de ces agriculteurs participants ?

En premier lieu, les agriculteurs participants se repositionnent vis à vis de la biodiversité et témoignent de leur souhait « d'écouter » cette « demande de la société ». Conscients qu'ils ne savent pas du tout communiquer sur leur métier, l'OAB permet à certains de verdir leur métier. De montrer qu'ils passent à l'action et de contrer l'idée que « pour beaucoup de gens [...] on traite et puis c'est tout quoi, le reste on n'en a rien à foutre ».

Une façon de communiquer, une autre image de l’agriculteur

 L'un d'eux a disposé des panneaux explicatifs à destination des visiteurs informant de sa participation au suivi de la biodiversité. « On est toujours très heureux de pouvoir expliquer ce qui se passe et de montrer quelques abeilles qui ont fait des bouchons [dans les nichoirs à abeilles solitaires] ; Ça fait une approche positive, plus intéressante pour parler de notre métier ».  

Nichoirs à iabeilles solitaires © Rose-Line Preud'Homme | MNHN

 

Les agriculteurs remettent les pieds dans le sol... et visiblement, ça leur fait plaisir !

En second lieu, « l'OAB contribue à faire descendre les agriculteurs de leur tracteur ! » m'a affirmé Elise. « Il faut aller soulever ses planches à escargots, rechercher les vers de terre... » « Avec le temps, ils commencent à observer au-delà des cadres du protocole » a-t-elle d'ailleurs écrit avec Suzie.

« Ça pousse à plus observer, ça permet d'y faire un peu plus attention ».

« Ça fait plaisir de regarder et de voir d'autres espèces dans les champs ».

Lombric © Rose-Line Preud'Homme | MNHN

Trouver collectivement des réponses sur le fonctionnement de la parcelle

Les chambres d'agriculture et les autres structures relais jouent un rôle prépondérant dans le bon fonctionnement du programme. A l'écoute des participants, les animateurs notent et font remonter les questionnements des agriculteurs à Rose-Line Preud'Homme, coordinatrice de l'OAB au Muséum. Ce peut être sur les résultats, des problèmes liés aux protocoles... Une des questions posées est par exemple : « Pourquoi on a moins de vers de terre tous les ans ? »

Être acteur pour évaluer ses pratiques... et les faire évoluer

« Cette écoute et l'adaptabilité du programme auxquelles travaillent Rose-Line et les structures associées est une grande force » d'après Elise. Parce que l'OAB a donné l'envie aux agriculteurs de confronter leurs observations dans un référentiel régional et national. « Ça apporte des points de repère qu'on n'avait pas ». Des « prises » sur le milieu, diraient les deux chercheuses. Et au final, cela prépare une transformation écologique des pratiques.

Formation OAB © R. Preud'Homme | MNHN

 

Des agriculteurs au parcours classique

Notons que les participants à cette étude ne sont pas nécessairement des alternatives type agriculture biologique. Beaucoup sont issus des producteurs conventionnels. Ce qui rend, pour ma part, les témoignages liés à la reprise d'autonomie d'autant plus importants. « Quand tu es un larbin qui exécute ce que le conseiller lui dit, il n'y a plus d'épanouissement ».

Autonomie, compréhension et émerveillement, en cela l'OAB apporte un changement significatif dans la manière de voir l'environnement des parcelles agricoles de ceux qui les cultivent.

Près de 350 exploitations s'impliquent. Sur les 515 000 que comprend l'hexagone, c'est une goutte d'eau. Mais on dit bien que « les petits ruisseaux font les grandes rivières » !

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Lisa Garnier, le lundi 28 septembre 2015

Pour s'abonner au blog, cliquer sur lgarnier@mnhn.fr

 

→ Suzie Deschamps, Elise Demeulenaere, « L'observatoire agricole de la biodiversité. Vers un ré-ancrage des pratiques dans leur milieu », Etudes rurales 2015/1 (n° 195), p. 109-126.

→ La prochaine formation à destination des animateurs intéressés pour mettre en place l'OAB sur leur territoire aura lieu les 4 et 5 novembre 2015 à la station expérimentale de la Pugère (13370 Mallemort). Le formulaire s'inscription est ici.

Panneau explicatif sur l'OAB © Suzie Deschamps | MNHN

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