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Quels bords de route pour favoriser les insectes pollinisateurs ?

Sciences participatives

«Avant, lorsqu’on faisait une longue route en voiture, il y avait plus d'insectes sur nos pare-brise qu’aujourd’hui, non ? » Face à cette question que l'on m'a récemment posée, j'ai tout de suite pensé aux recherches d'Anne-Caroline Prévot sur l'extinction d'expérience (ici). Et je me suis demandé si un jeune de 20 ans en 2014 aura dans quarante ans la même réflexion ?

Couverts fleuris ou fauche tardive ?

Pour éviter que ce « gamin » de 60 ans réponde par l'affirmative en 2054, je me suis dit qu'il était temps que je présente les résultats d'une expérience réalisée par le Ministère du développement durable entre 2010 et 2012 sur l’implantation de couverts fleuris et de la fauche tardive sur les dépendances vertes du réseau routier national (ici). Une expérience dans laquelle Benoit Fontaine de Vigie-Nature était impliqué en tant que responsable de suivis d’invertébrés.

Des bords de route à la loupe

Environ 40 tronçons de route répartis dans huit zones du territoire national ont été choisis pour l'expérience. Les dépendances vertes de ces tronçons ont alors subi différents traitements :

(1) des semis de plantes florifères (dans l'annexe du document ici),

(2) une seule fauche tardive réalisée entre août et octobre,

(3) deux à trois fauches par an.

Il faut noter que les dépendances vertes du réseau routier s'entendaient comme "l'ensemble des terrains appartenant au domaine routier situés de part et d'autre des voies". Pour mesurer les effets de ces différentes modes de gestion, la richesse en espèces de plantes à fleurs et leur abondance florale a été déterminée ainsi que l’abondance en abeilles domestiques (Apis mellifera), la richesse et l'abondance en espèces de papillons de jour (en utilisant le protocole du PROPAGE, un des observatoires de Vigie-Nature) et la richesse taxonomique des pollinisateurs grâce au suivi photographique des insectes pollinisateurs (SPIPOLL, également un des suivis Vigie-Nature).

Le rôle bénéfique de la fauche tardive

L'un des résultats remarquables de cette expérience est la démonstration du bénéfice de la fauche tardive. Les plantes poussant sur ces zones n'étaient pas plus diversifiées que dans les zones fauchées plusieurs fois par an, mais elles offraient plus de fleurs capables d'apporter de la nourriture aux insectes pollinisateurs. Comment ? En changeant les relations qu'entretiennent les plantes à fleurs et les graminées. La fauche tardive permet en effet aux plantes à fleurs de fructifier et « de monter en graines ». Graines dont la germination suscite de nouvelles pousses de plantes à fleurs plus compétitives que les graminées.....

Azuré bleu à chevrons oranges / Souci sur lotier © calin01 / mclowenfr | participant Spipoll

Des graminées qui laissent la place aux plantes à fleurs

En à peine trois ans de fauche tardive, les graminées ont été supplantées par les plantes à fleurs dans les zones où elles dominaient auparavant. Ces zones ont aussi attiré davantage d’abeilles domestiques, une plus grande diversité et un plus grand nombre de papillons de jour. Grâce au Spipoll, les chercheurs ont pu montrer que la diversité des pollinisateurs (superfamille des apoïdes) sur le seul lotier corniculé (Lotus corniculatus) augmente dans les zones en fauche tardive.

L'implantation de mélanges fleuris

Lorsque les semis sont réussis, les mélanges de plantes à fleurs sont particulièrement attractifs pour les pollinisateurs (abeilles, papillons de jour, hyménoptères apoïdes). Ce mode de gestion propose l’offre alimentaire la plus intéressante en fin de saison (août – septembre), période particulièrement critique pour les colonies d’abeilles domestiques, alors en train de se préparer à l’hivernage. Mais cette pratique s'est révélée coûteuse et risquée, puisque les semis ne sont pas toujours un succès.

Mégachile rayé © mclowenfr | participant au Spipoll

En conclusion

Le rapport du ministère conclut sur une possible complémentarité des différentes pratiques. Les plans de gestion des dépendances vertes pourraient être basés sur une large application de la fauche tardive, pratique la moins chère, complétés par des semis occasionnels.

Dans les années 2010, le chercheur néerlandais Arnold van Vliet avait lancé un programme participatif appelé Splashteller où 250 conducteurs avaient méticuleusement compté les insectes morts sur leurs plaques d'immatriculation..... Au bout de six semaines et plus de 30 km parcouru, 17 836 insectes étaient « décédés ». Soit une moyenne de deux insectes morts tous les 10 km sur chaque plaque d'immatriculation. Était-ce peu, comparé à ce qui existait il y a 40 ans ?

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Lisa Garnier, le lundi 16 juin 2014

Pour s’abonner au blog, cliquer sur lgarnier@mnhn.fr

 

Les auteurs de l'étude du Ministère de l'Écologie ont été Julien Chagué et Camille Bagnis pour le Réseau Biodiversité pour les abeilles, Isabelle Dajoz de l’institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris (IEES-Paris) , Serge Gadoum de l'OPIE et Benoit Fontaine du Muséum national d'Histoire naturelle.

Le rapport est ici.

Des NEWS des autres observatoires

→ La 4ème édition des inventaires éclairs, événement organisé par Natureparif, se tiendra le week-end du 21 et 22 juin sur les communes de Nonville et de Treuzy-Levelay en Ile-de-France. Le programme est ici, les inscriptions se font là

→ Animation « Insectes et Ciel étoilé » le Vendredi 27 juin à 22h la Maison de la Nature de Mont-Bernanchon (Géotopia, 62). Gratuite, ouverte à tous. Par le Conservatoire d’Espaces Naturel du Nord Pas-de-Calais. Infos et inscription : 03.21.54.75.00 / vigie-nature@cen-npdc.org

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